Carnet de route

Le Chardonnet

Sortie :  du

Le 01/06/2009 par Claire

Dans le précédent numéro, j’ai relaté l’ascension du Chardonnet (Massif du Mont Blanc) avec Claire, une alpiniste rencontrée à Chamonix. Vous avez eu ma version, voici la sienne, qu’elle a bien voulu m’envoyer.

Ascension du Chardonnet avec Christian, un initiateur dans un CAF…

 

Dimanche 24 août, nous partons du refuge Albert 1er à 4 heures du matin, sous un ciel clair. Pour l’approche sur le glacier du Tour, on serait tenté de tirer directement en direction du sommet (S-W), mais le détour, qui nous fait cheminer au-dessus du signal Reilly, puis à l’ouest du rognon rocheux (côté 3238), est nécessaire. Avoir déjà effectué cette approche facilite la tâche du premier de cordée.

 

Après le signal, j’aperçois des loupiottes, dont certaines sont rouges et clignotent. Le jour n’est pas levé mais le théâtre de ces agitations est bien le Mont Blanc et je ressens que rien de bon ne se passe là-bas. Le retour dans la vallée le soir apportera son lot de mauvaises nouvelles avec la chute de sérac et l’avalanche afférente sur la voie normale par les 3 Monts…. Entre 2004 et 2007, lorsque j’habitais Argentière, cela est arrivé chaque année mais il n’y avait pas systématiquement de morts ou de blessés.

 

Le jour se lève, un grand moment en montagne, à savourer pleinement. Telle une Cordée amateur équilibrée, nous nous relayons ensuite dans le rôle de premier pour atteindre l’arête. Un couloir avec des séracs jouxtant l’aiguille Forbes (à gauche) m’impressionne… Cela fait 5 mois que je n’ai pas mis les pieds en montagne ; la dernière fois que j’ai mis des crampons, c’était à Freissinières et j’ai fait une chute de 7 mètres avec quelques dégâts collatéraux ! Pour le passage de la « Bosse », Christian passe en tête et (très confiant en sa partenaire ?) ne met aucune broche sur les 100 mètres à environ 50°. Il y a eu un bon regel et la neige est dure et il faudrait user de la panne du piolet pour trouver de la glace susceptible de recevoir un ancrage. Nous faisons de petites pauses, car les mollets chauffent ! Par un petit passage en mixte, nous arrivons sur l’arête proprement dite, au niveau d’une brèche (3700m).

Nous sommes un peu séchés et grignotons quelques vivres. Au-dessus de la brèche, le premier ressaut rocheux est équipé d’un bout de corde fixe. Le Topo est ensuite très flou, annonçant « rien n’est très difficile si l’on sait observer les traces de passages »… Or il a neigé la veille, il n’y a personne devant nous pour notre première sur cet itinéraire et les traces de crampons sur le rocher sont rares. Notre cordée fonctionne bien car nous nous complétons. Confiance dans le sens de l’itinéraire avec un engagement, expérience dans la pause de coinceurs et de friends en escalade en terrain d’aventure devant ; agilité en désescalade et pratique en escalade pure, engagement dans le difficile rôle de premier de cordée à la descente (le dernier dans le sens de la marche, celui qui enlève les protections).

Un souci commence à me peser : là où il semblait que nous aurions à contourner les gendarmes par la droite et la gauche de façon évidente, nous les gravissons, le plus souvent,  désescaladons et utilisons même des rappels en place. Dans ce genre de « classique » ancienne, ces derniers signifient plutôt qu’il y a eu erreur dans l’itinéraire et qu’une cordée précédente, bloquée a du laisser du matériel en place… Un guide, qui arpente le massif depuis une trentaine d’années, m’expliquera plus tard que « maintenant », avec le niveau de neige qui a baissé, il n’est plus aisé de contourner les gendarmes rocheux et que le fait de devoir escalader toutes les pointes allonge la course.

Il arrive un moment où, à force de chercher sans relâche l’itinéraire et de faire des allers retours, je fatigue. Je pense que des anglais qui jusque-là nous rattrapaient, vont finir par nous doubler… Nada. Christian accepte enfin de passer devant dans un couloir rocheux, qu’il gravit au plus raide aisément, mais la plupart des protections ne tiennent pas et nous reprenons notre configuration initiale. Les questionnements sur les passages les plus opportuns sont de plus en plus longs… chacun espère en finir…

Nous voyons des cordées sortir de l’éperon Migot. Peu avant le sommet, c'est-à-dire douze gendarmes avant la cime ( je blague ), Christian passe devant et je peux me relâcher, de façon très relative : il fait chaud, il est tard et certains passages neigeux de l’arête laissent à douter de leur solidité ; il faut tester les rochers, dont le ciment qui les fixent à la montagne est en train de céder aux charmes des rayons ; avec l’expérience, on devient plus prudent, septique même… Nous apercevons une cordée qui, située juste à la sortie de l’éperon Migot, appellera plus tard les secours, ne souhaitant pas sortir dans le couloir de neige final.

Le métier de guide doit être dur dans ces conditions, lorsque qu’on ne connaît pas l’itinéraire, qu’il n’est pas évident et qu’il n’y a personne devant !!!

Au sommet, nous ne voyons plus les anglais … lapins versus tortues ? … Nous nous délectons de la vue magnifique : le bassin d’argentière avec l’Aiguille du même nom tout près, les magnifiques goulottes des pointes Domino et Pré Bar, les majestueuses faces nord des Courtes, Droites et de la Verte. Plus loin, le Mont Blanc, les montagnes suisses et italiennes, la vue est saisissante de beauté… Quel bonheur d’être là !

La descente est plus facile car tracée. Fatiguée, je préfère descendre à reculons, sécurité avant tout. Après avoir cheminé entre les crevasses béantes du glacier de l’Epaule, nous regagnons le glacier du Tour et, là, tirons droit … mais trop haut. Nous finissons, sous un soleil cuisant et une fatigue évidente ( il est plus de 16 heures…) par grincer des dents à monter, descendre sur le glacier pour éviter les pots (crevasses). Nous faisons finalement demi-tour, sage décision, et regagnons le refuge.

La dernière télécabine du Tour (intermédiaire), à 17 heures 45, nous laisse peu de temps. Christian part devant comme une flèche et annonce au technicien mon arrivée (on a toujours besoin d’un grand marathonien dans ces cas là ) . Nous nous retrouvons au parking au Tour… Fiouuuuuuuu, quelle journée ! ! !

Bravo à Christian pour sa première(*) course en mixte (escalade sur rocher en crampons) et merci pour cette course que je n’aurais pas faite seule.

 

Bonne montagne à tous, soyez prudents et humbles, ce n’est pas toujours facile. Si vous avez des remarques, questions, n’hésitez pas !

Claire

(*) Ce n’était pas la première fois que je faisais du mixte, mais la première course aussi longue en mixte (d’ailleurs mes crampons s’en souviennent)

 

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